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LA CRISE DU LOGEMENT
FLORENCE DOLEAC, SAMMY ENGRAMER, PATRICE GAILLARD ET CLAUDE, BRIAC LEPRETRE, ERWAN MAHEO, DELPHINE REIST, SYLVAIN ROUSSEAU, BENOÎT ROUSSEL, ERNESTO SARTORI, ARMAND MORIN
08 NOVEMBER - 12 JANUARY 2008
VERNISSAGE : THURSDAY 08 NOVEMBER 2007  18:00

L’exposition La crise du logement reprend ironiquement un des thèmes récurrents de ce début de siècle: la difficulté pour les nombreux citadins que nous sommes de trouver un logis convenable pour un prix décent. Car si chacun cherche son logement dans une espèce de frénésie collective qui synthétise nombre d’angoisses de ce siècle débutant, ce dernier demeure un espace de projection, d’investissement personnel et même une possibilité résiduelle pour un art privé, domestique, comme en témoigne cet amour immodéré de nos concitoyens pour le “bricolage”. Si l’aspect sociologique agira en toile de fond de cette exposition, il ne sera pas question de dresser le catalogue des dysfonctionnements immobiliers, des avantages comparés du dispositif Borloo ou bien de faire le constat d’inégalités sociales dont la crise du logement (la vraie) ne figure que le sommet de l’iceberg mais plutôt de réunir un ensemble de pièces qui évoquent cette question lancinante de manière allusive, grinçante ou totalement décalée. Si la crise est bien réelle par ailleurs, les artistes n’ont pas de réponses spécifiques à y apporter, mais simplement, ces propositions artistiques qui ne se préoccupent pas de leur efficacité dans le réel, et agissent par la force de leur dérive poétique ou de leur puissance humoristique, arrivent à mettre en crise la crise, ce qui était le but recherché !

 

Ainsi, avec ce concert aléatoire de perceuses électriques et autres instruments de torture acoustique par Delphine Reist, c’est le confort d’une exposition qui est mis à mal en même temps qu’il pointe une utilisation colatérale inédite des joujous préférés des addicts de chez Leroy-Merlin. En écho à ce détournement d’un usage conforme des outils ad hoc, le sol d’Erwan Mahéo apparaît comme une durable perturbation de la ligne droite : son plancher marqueté d’arabesques s’attaque à la linéarité comme figure de style obligatoire. Ces repères orthonormés qui définissent le cadre euclidien de notre habitat et le rigidifent sont aussi dans le colimateur d’un garçon comme Ernesto Sartori, jeune diplômé de l’école des Beaux-art de Nantes dont le projet d’une spatialité tronquée défie la toute-puissance des principes à la base de notre architecture occidentale. L’architecture est également la cible du travail de Benoit Roussel, appartenant à cette lignée d’artistes belges réfléchissant sur les formes de la construction pour en révéler les emprises symboliques et les filiations avec les objets du quotidien. La crise du logement n’est peut-être au final qu’une vulgaire crise de la cohabitation : les aquarelles de Briac Leprêtre dessinent un quotidien désespérément banal esquissant des situations pathétiques et terriblement reconnaissables. Surenchérissant sur cette réflexion, Sammy Engramer apporte sa contribution grinçante sur fond d’actualité sportive... Le travail de Patrice Gaillard et Claude trahit une fascination pour le lisse entendu comme stade ultime de la modernité ; mais derrière ce lissage se trament des scénarios qui altèrent la complicité du mobilier, de la garde-robe : problèmes d’échelle, de dysfonctionnements du dress code, d’extrusion de matière inopportune. Armand Morin, jeune artiste issu de la scène nantaise apprécie ces micro-objets au statut indécis, ces cadeaux publicitaires à la fonction imprécise : gadgets hybrides capables d’ouvrir des boîtes de conserve tout en les éclairant d’une lampe halogène de poche... En liant ces micro-encombrants par un système de câbles et de manilles, il crée de mini-installations aériennes et hyper graphiques qui les délivrent définitivement de leur obligation chancelante de résultat. Sylvain Rousseau cherche lui aussi à échapper aux problèmes de rangement : ses “mises à plat” de logis divers y apportent des réponses définitives tout en régénérant des problématiques de représentation datant de la Renaissance.

 

Quant à Florence Doléac, une apologie de l’évasion comme réponse à la crise du logement traduit de réelles inquiétudes face à des hypothèses diffuses de resserrement de l’espace ou de pourrissement des matériaux : un peu comme si Al Gore s’était invité dans l’exposition.

 

Proposition de Patrice Joly.