Qu’est-ce que c’est ? C’est l’essence de l’architecture, révélée à l’oeil d’un âne doux. Mais tout d’un coup – c’est la faute du photographe – l’oeil se transforme en une pupille dépourvue de vie et reproduite sur une boîte à cigarettes. Quel malheur ! Pourquoi est-ce l’essence de l’architecture ? Parce que l’architecte se ressaisit et fait s’empiler les choses. Il place couche après couche, crée une colonne solide qui portera le bâtiment, se tiendra seule ou en ligne avec d’autres colonnes. En même temps, il lâche prise, laisse tout s’étaler en une cataracte de pierre. L’essence de l’architecture est le sphincter. La contraction et la relaxation deviennent presque indiscernables lorsqu’un lieu est habité, lorsqu’un mur s’expose à l’environnement qu’il façonne et lorsqu’un photographe appuie sur le bouton de l’obturateur. Les architectes éprouvent pour toujours le plaisir et la douleur d’être assis aux chiottes en fumant une clope. Mais pourquoi l’essence de l’architecture se révèle-t-elle à l’œil d’un âne ?  Parce que l’âne, délivré de sa charge et réceptif, désireux de capturer et d’être capturé, traverse la cour avec élégance et empressement. Son image s’évanouit sur la surface en béton d’un minuscule monument. La merde, ça arrive. L’écurie – et tout ce qui est stable – s’effondre. L’arrosoir enduit de zinc sera-t-il utilisé pour une douche dans la nuit dorée ? 

Alexander García Düttmann